03 août, 2020

PORTRAIT DE FORESTIER #1 Tanguy Butruille

À 50 ans, ce pilote de ligne est devenu propriétaire de 40 hectares dans le Lot. Il aime s’y poser et œuvre en famille à l’amélioration de la forêt.

Tout au long du mois d’août, nous avons décidé de vous dévoiler six portraits de personnalités forestières qui ont marqué les lecteurs de Forêts de France ces trois dernières années.
Bel été à tous ! 


TANGUY BUTRUILLE appartient à la famille des nouveaux propriétaires forestiers : il n’y a pas de forêt dans son arbre généalogique, son métier de pilote de long-courrier est très éloigné de la canopée et, jusqu’à l’âge de 50 ans, il ignorait quasiment tout de la gestion forestière.
La vie est ainsi faite qu’elle enregistre vos désirs les plus profonds, vous prend par la main et vous entraîne vers une propriété de 40 hectares à la frontière du Lot et du Lot-et-Garonne. «Nous aimons la nature et étions à la recherche d’authenticité pour nous déconnecter totalement de la vie active», avoue-t-il. Or cette résidence secondaire, acquise en octobre 2013 au cœur de la Bouriane, cochait toutes les cases : il fallait que la famille s’y sente bien, que la forêt forme un ensemble homogène autour de la maison et que les environs soient l’expression d’un terroir de qualité. Dans le Lot, il est rare que cette dernière condition ne soit pas remplie...

L’appui essentiel du CRPF

Après quoi, il a fallu se retrousser les manches. La maison, inoccupée depuis cinq ans, était défraîchie et la forêt, livrée à elle-même, commençait à partir dans tous les sens. Un abandon préjudiciable à huit hectares de chênes rouges plantés en 2003. «Je partais de
zéro, ou presque. J’ai bien suivi une formation paysagère avant de devenir pilote, mais je ne connaissais rien à la forêt. J’ai écouté les conseils d’amis également propriétaires. Une seule adresse selon eux : le CRPF. Je me suis donc formé au contact de cet organisme, puis par le biais de stages spécifiques FOGEFOR et grâce à de nombreuses lectures. »

À raison de deux à trois visites par an, le technicien CRPF local a aidé Tanguy Butruille à inventorier sa forêt et à élaborer un programme de travaux. Pas évident, car la propriété présente une grande diversité de topographies et de peuplements. Le très classique taillis de châtaignier est loin d’avoir le monopole. Les plantations de chêne d’Amérique côtoient des carrés de pin Laricio et des parcelles en libre évolution de feuillus et pins maritimes. Le terrain est rarement plat, certains secteurs sont même difficilement mécanisables. « Nous avons commencé par rouvrir des cloisonnements et des chemins d’accès, nous avons récolté une parcelle de châtaigniers vieillissants et tenté de rattraper l’absence d’élagage sur les chênes rouges. Ces plantations vont connaître leur première éclaircie », liste le propriétaire. Celui-ci est désormais familiarisé avec les modes de gestion et le vocabulaire imagé du sylviculteur. La «coupe rase» est appliquée au taillis de châtaignier. Les « éclaircies » bénéficient aux plantations de chêne rouge pour ne conserver que 200 « tiges d’avenir». Tanguy Butruille a même découvert la gestion Pro Silva. « Nous allons appliquer ces procédés culturaux dans les peuplements mélangés en travaillant au profit des plus beaux arbres, explique-t-il. On s’inscrit dans une méthode douce qui correspond à ce que nous voulons faire dans cette forêt : on réfléchit et on marque. Cette méthode n’est pas mécanisée, elle ne dégrade pas les chemins et les sols. C’est ce qui répond le mieux à nos exigences. »

Un projet d’agroforesterie

Ses orientations ont été validées en septembre par le CRPF, qui a agréé son premier plan simple de gestion. Ce PSG, qui a lentement infusé pendant cinq ans, prévoit les interventions pour les vingt prochaines années. Elles seront d’une grande diversité, à l’image de la forêt. Tanguy Butruille va même se lancer dans un projet d’agroforesterie. Sur six hectares de pâtures, dont il sou- haite conserver la vocation, seront plantées, tous les 20 mètres, des lignes de noyers à bois et de noyers à fruit, et seront saupou- drés ici et là quelques alisiers et cormiers. Cela ne représente que 150 plants, 30 à l’hectare, mais cette idée de concilier la production d’herbe, de bois et de noix lui plaît. L’investissement de 3 000 € est financé à 80 % par les collectivités territoriales.
Jusqu’alors, le plaisir a pris le pas sur la quête de la rentabilité. Celle-ci n’arrivera pas du jour au lendemain. Le propriétaire, habitué aux décalages horaires, sait que la forêt se gère sur le long terme. Il aimerait aller plus vite mais ces cinq années d’appren- tissage lui ont enseigné la prudence. Les premières ventes de bois qu’il a réalisées sont loin de couvrir ses dépenses : 40 000 € de matériels lourds pour entretenir la desserte et transporter le bois de chauffage. L’équilibre n’en demeure pas moins un objectif à terme et, dans cet esprit, il vient de confier la commercialisation de ses bois à un technicien indépendant. « Je me suis rendu compte qu’il est très difficile de gérer la commercialisation. D’une part, je n’ai pas le temps et je ne suis pas assez rodé. Sur la première exploitation de châtaigniers de 40 à 45 ans, je n’étais pas satisfait. J’ai enregistré des dégâts de machine et trop de bois ont été déclassés à cause de la roulure et de la maladie de l’encre. Sur 800 m3 récoltés, 75 % sont partis au papier. Je pense que je me suis fait un peu avoir. »

Champignons et châtaignes

Il y a dans sa forêt bien d’autres richesses à exploiter. Les champignons, c’est plutôt l’affaire de son épouse, et des parcelles de châtaigniers à fruit qu’il faut remettre en production. Une centaine de kilos a été récoltée à l’automne 2017 et vendue à une coopérative locale. Les arbres fatigués devront être fortement émondés ou remplacés. Pour ces travaux d’Hercule, Tanguy Butruille a la chance de pouvoir compter sur ses trois solides garçons qui se sont vite appropriés les lieux. Ces anciens scouts ont appris à aimer la forêt dès leur plus jeune âge. Ils sont ici dans un milieu familier et peuvent utilement seconder leur père... quand ils parviennent à concilier leurs agendas. Le chef de famille n’est pas le moins présent. Accroc du Lot, notre pilote ne rate pas une occasion de venir chausser ses bottes entre deux vols...

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